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Nullité du licenciement contournant l’obligation de maintenir le contrat
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Nullité du licenciement contournant l’obligation de maintenir le contrat
Nullité du licenciement contournant l’obligation de maintenir le contrat
SOCIAL | Contrat de travail | Contrôle et contentieux | Rupture du contrat de travail
Soc. 16 mars 2016, FS-P+B+R, n° 14-23.589
par Marie Peyronnet
SOCIAL | Contrat de travail | Contrôle et contentieux | Rupture du contrat de travail
La Cour de cassation offre la protection de la nullité du licenciement à un salarié en CDD ayant obtenu en référé une ordonnance obligeant l’employeur à maintenir son contrat de travail le temps de la procédure au fond pour requalification de la relation contractuelle en CDI.
Soc. 16 mars 2016, FS-P+B+R, n° 14-23.589
L’histoire de M. X. ne manquera pas t’interpeller bon nombre de travailleurs enchaînant de manière plus ou moins continue des contrats en intérim ou à durée déterminée auprès d’un même employeur. Ces travailleurs, rendus dociles par la promesse d’un CDI qui ne viendra probablement jamais et muets par le couperet du non-renouvellement ou pire du « on ne vous rappellera plus jamais », se trouvent dans une situation de précarité telle que toute idée de révolte leur semble vaine. Et pourtant ! Il existe (encore) un droit du travail à même de les protéger et par un arrêt du 16 mars 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation semble envoyer un message encourageant aux travailleurs en situation de précarité.
M. X. a travaillé dans le cadre de plusieurs CDD successifs pour le compte d’un employeur (soit directement soit par le biais d’une mise à disposition). Peu de temps avant le terme de son dernier CDD, il a demandé devant la juridiction prud’homale la requalification de l’ensemble de la relation contractuelle en CDI. Parallèlement, il a obtenu en référé une ordonnance obligeant l’employeur, sous astreinte, à maintenir son contrat de travail jusqu’au prononcé de la décision du bureau de jugement.
L’employeur a alors audacieusement admis expressément le bien-fondé de la demande du salarié et procédé lui-même à la requalification de la relation de travail en CDI. Dans le même courrier, il convoquait le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Le salarié a été licencié quelques semaines plus tard.
Il se pose alors deux questions distinctes :
- la décision de l’employeur de requalifier lui-même la relation de travail en CDI a-t-elle pour effet d’écarter l’ordonnance de référé et de lui permettre de rompre le contrat de travail ?
- le contrat ainsi rompu peut-il être annulé sur le fondement de la violation d’une liberté fondamentale (en l’occurrence le droit à l’accès au juge) ?
La cour d’appel a pris le parti de l’employeur sur les deux points en déboutant le salarié de sa demande de nullité du licenciement et de réintégration. Elle a en effet estimé que « les conditions de [l’] ordonnance ont été respectées durant l’instance de sorte que les dispositions de celle-ci ont épuisé leurs effets et que les droits fondamentaux du salarié ont été respectés » et ensuite que la réintégration du salarié est impossible en l’absence de texte prévoyant la nullité.
La Cour de cassation censure cet arrêt et considère au contraire que l’ordonnance de référé prescrivait « la poursuite du contrat de travail jusqu’à intervention de la décision au fond du conseil de prud’hommes », et non jusqu’à la reconnaissance de l’existence d’un CDI par l’employeur. En conséquence, les dispositions de l’ordonnance de référé n’ont pas été respectées par l’employeur et la cour d’appel devait « rechercher si l’employeur avait utilisé son pouvoir de licencier en rétorsion à l’action en justice du salarié ».
À noter que cette solution est rendue au visa erroné de l’article L. 1221-1 du code du travail. Compte tenu de l’attendu de principe qui énonce qu’« est * comme portant atteinte à une liberté fondamentale le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite par le salarié » on suppose en effet qu’une faute de frappe s’est glissée lors de la rédaction de l’arrêt et que la Cour souhaitait viser l’article L. 1121-1 du code du travail. La solution s’insère ainsi dans la continuité de la jurisprudence initiée par l’arrêt Clavaud en 1988 et reconnaissant la nullité du licenciement intervenu en violation d’une liberté fondamentale (Soc. 28 avr. 1988 n° 87-41.804, Société anonyme Dunlop France c/ M. Clavaud, D. 1988. 437, note Wagner ; Dr. soc. 1988. 428, concl. Écoutin et obs. Couturier ; Dr. ouvrier 1988. 250, concl. Écoutin et note Jeammaud et Le Friant ; RPDS 1988. 184, note G. Lyon-Caen; ibid. 1988. 218, note Cohen).
En l’espèce, la liberté en question est celle d’agir en justice reconnu par l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme et visé par la chambre sociale. Sur l’appréciation de la violation de ce droit d’agir en justice, la Cour de cassation a déjà admis que la concomitance entre l’introduction d’une action et la rupture oblige l’employeur à établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par le salarié, de son droit d’agir en justice et que s’il n’y parvient pas, la violation d’une liberté fondamentale est caractérisée (Soc. 6 févr. 2013, n° 11-11.740, Dalloz actualité, 27 mars 2013, obs. B. Ines ; D. 2014. 1115, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2013. 415, note J. Mouly ; RDT 2013. 630, obs. P. Adam ; Dr. ouvrier 2013. 549, obs. Mazières ; JS Lamy 2013, n° 340-4 ; JCP S 2013. 1385, obs. Bousez).
Pour finir, il est à noter que par la cassation de l’arrêt d’appel la Cour annule le rejet de la demande d’annulation du licenciement, entraînant « par voie de dépendance nécessaire la cassation des chefs de dispositif condamnant l’employeur au paiement d’une somme en réparation du préjudice consécutif au licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et ordonnant le remboursement des indemnités de chômage ». Néanmoins le dispositif nous informe que la Cour maintien la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et la condamnation de l’employeur à payer au salarié la somme de 2 283,75 € à titre d’indemnité de requalification et de 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour comportement fautif aggravant une situation de précarité.
Et si finalement le meilleur moyen de montrer qu’ #OnVautMieuxQueCa était d’oser faire valoir ses droits en justice ?
par Marie Peyronnet
le 29 mars 2016
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